«Bonne année», «belle année», ou rien du tout

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Le silence des smartphones samedi à minuit a surpris bon nombre d’entre nous. Après des années folles, la surenchère des bons vœux semble bel et bien terminée.


On pourrait croire que tout le monde s’est donné le mot. Comme si Internet, les portables et les réseaux n’avaient jamais existé. A minuit, mon iPhone n’a émis qu’un timide « gling ». Ma sœur. Puis, plus rien. Le lendemain matin non plus, à l’exception d’un message de vœux anonyme d’une personne ne figurant pas dans mon répertoire. Et celui d’un ami qui se signale à tout bout de champ pour vous souhaiter quelque chose, à longueur d’année. C’est tout.

L’an passé, et déjà l’année précédente, on avait constaté une nette décrue. Mais pas au point de se réveiller un 1er janvier seul au monde, sans famille ni amis. Je me souviens, il y a cinq ans, je passais la journée à répondre à des messages inondant mon portable et mon adresse mail. Ça faisait chaud eu cœur de se sentir à ce point entouré et aimé au moment de se jeter dans l’aventure d’une année nouvelle. Avec Facebook, j’avais même renoué avec des gens perdus de vue depuis 30 ans et que je ne reverrais sans doute jamais, mais c’était plaisant de les sentir toujours là et emplis de bons sentiments à mon endroit.

De mon côté, je mettais parfois un point d’honneur à solliciter certains de mes proches avant eux, comme si le fait de les précéder me situait au-dessus d’eux dans l’affection qu’ils s’empressaient, en retour, de me dire réciproque. A minuit, on se dépêchait d’embrasser ceux avec qui on fêtait – en présentiel comme on dit désormais – la Saint-Sylvestre, avant que chacun retourne à son petit écran pour lire les messages qui s’amoncelaient. Après minuit, on ne se parlait plus que pour se comparer les amitiés en demandant aux autres (avec parfois une once de perfidie) s’ils avaient eux aussi reçu un message d’untel.

Vedettariat imaginaire

Il y a quelques jours encore, je me demandais si je continuerais à faire de la résistance en souhaitant aux uns et aux autres non pas une « belle » mais une « bonne » année – le bon me semblant toujours plus raisonnablement accessible que le beau. La question ne s’est pas posée. Je n’ai pas eu plus de bons vœux que j’en ai adressés. Certes, il y a toujours ceux qui, alimentant sur Facebook un vedettariat imaginaire, adressent « à tous » un message d’amour, de paix et de prospérité, un peu comme Johnny criait « Je vous aime » à la foule venue l’acclamer. Mais là non plus, pas de message personnel.

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Le 31, nous avons fêté ça en petit comité. L’après-minuit a ressemblé à une minute de silence. On s’est regardés en chiens de faïence, en se demandant s’il y avait quelque chose à attendre. On a vite compris. Un invité s’est même excusé quand il a reçu un message de sa fille. Comme si c’était déplacé.

La vogue des vœux est passée

Que s’est-il donc passé ? Un mot d’ordre aurait-il été donné ? Non, personne n’a rien dit à personne. Mais tout le monde a ressenti au même moment l’usure et la vacuité d’un phénomène dont on ne percevait plus que l’excès, jusqu’au ridicule. La vogue des vœux est passée. Il faut croire que, dans ce monde promis à l’éphémère, l’engouement et la lassitude nous frappent tous en même temps et de la même manière.

J’espère tout de même que, dans les jours qui viennent, j’aurai mes vieux amis au téléphone pour faire ensemble un bilan et parler de nos projets, comme au temps du téléphone filaire. Il ne faudrait pas que, dans sa fuite en avant, le progrès ait avalé d’une traite la totalité des usages.

Sur ce, j’ose à peine, cher lecteur, vous souhaiter une bonne année.

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