“J’ai toujours chanté comme je respire, dit-elle. Je crois que c’est la musique qui m’a apprivoisée, ou en tout cas elle m’aide à m’apprivoiser.” Ce qui s’entend dès l’ouverture Over & Over & Over, teintée de ce gris mélancolique qui habite les grandes chanteuses. “C’est le premier morceau que j’ai composé : il commence sur une note d’iPhone où je suis au piano et on entend mon voisin et son marteau en train de faire des travaux, comme je l’étais moi intérieurement… Au lieu de m’énerver du bruit ou de me dire que j’enregistrerais plus tard, je me suis calée sur son tempo-marteau et j’ai joué. C’est devenu le leitmotiv de l’album : accueillir – non seulement le chaos, mais aussi la lumière, tout laisser entrer sans jugement et, finalement, je me suis sentie incroyablement en paix.”
Dans Bedroom Walls, le son est volontairement lo-fi, contrastant avec la voix céleste de November Ultra, qui n’a pas choisi la terminologie de “bedroom pop” par hasard. Nous sommes ici entre quatre murs, mais bien au-delà encore, dans la psyché aux multiples variations émotionnelles d’une jeune multi-instrumentiste à forte personnalité. S’impose une réelle inventivité musicale, que l’on entend aussi bien dans le folk épuré d’ Open Arms que dans les ritournelles synthétiques Le Manège, Monomania ou encore Miel : la chanteuse s’amuse aussi avec les machines et autres Auto-Tune, qui endosse ici davantage le rôle d’outil pop que de correcteur vocal.
Rose et anthracite
Si l’on entend majoritairement de l’anglais, l’espagnol des origines de November Ultra est aussi convoqué : “Je crois qu’on passe nos vies à penser qu’on doit faire des choix, limiter le soi à une identité précise, une étiquette, une émotion, une mythologie – alors que nous sommes tou·te·s des êtres mouvants, changeants et si complexes. J’ai la grande chance d’être fille d’immigré·e·s et d’avoir grandi avec toutes ces langues qui ont leurs propres codes.” Influencée par la pop 2.1, de Lorde à Harry Styles, les comédies musicales vintage ou les coplas que lui faisait écouter son grand-père Ramón, November Ultra signe un premier album qui, pourtant, ne ressemble qu’à elle-même, entre rose et anthracite. Jamais mièvre, la tendresse n’exclut ni la désillusion, ni l’humour, ni l’exaltation de composer : “La musique, et l’art en général, sont des matières qui deviennent mouvantes et vivantes à notre contact”, affirme-t-elle. En effet, à l’écoute de l’introspectif Bedroom Walls, on sent un peu plus fort notre présence au monde.
Bedroom Walls (Virgin Records/Universal). Sortie le 8 avril, concert le 11 mai à Paris (Olympia).
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