L’activité Services représente la deuxième source de revenus d’Apple, derrière l’iPhone mais devant le Mac, l’iPad et tout le reste. De quoi s’y intéresser de plus près et dresser une comparaison avec la concurrence. Que valent les services d’Apple ? Aujourd’hui : Apple Music.
Avec l’iTunes Store, Apple bénéficiait d’une position privilégiée pour gagner facilement la bataille du streaming musical. Mais à force de regarder rouler les trains, le constructeur a laissé passer sa chance : il a fallu attendre l’acquisition de Beats (et de son service Beats Music) en 2014 pour qu’Apple se lance finalement à l’assaut de Spotify.
C’est l’année suivante, en juin 2015, qu’Apple Music voit le jour. Ça n’a pas été facile, les débuts ont été laborieux avec une interface inutilement compliquée et des fonctions pas tout à fait au point (comme l’espèce de simili-réseau social Connect, débranché en 2018).
Mais Apple a les poches bien pleines et tout le temps du monde. Petit à petit la plateforme a gagné ses galons et elle est devenue un solide numéro 2 mondial, derrière Spotify qui vogue loin devant. Le dernier chiffre officiel remonte à juin 2019, avec 60 millions d’abonnés. Depuis, cette information est devenue un secret industriel.
Spotify comptabilise de son côté 381 millions d’utilisateurs, dont 172 millions d’abonnés payants (le service offre une version gratuite financée par la publicité). Amazon Music, un autre gros poisson du secteur, annonçait 55 millions d’abonnés en janvier 2020, et depuis plus rien. Deezer annonce toujours 16 millions d’utilisateurs actifs par mois ; en janvier 2019, le chiffre de 7 millions d’abonnés avait été dévoilé, mais c’est le silence radio depuis.
On l’oublie parfois, mais YouTube pèse de tout son poids sur le marché avec ses offres payantes Music et Premium qui, en septembre dernier, comptaient 50 millions d’abonnés. Mais au-delà des chiffres, ce qui compte c’est le contenu. Et après une politique d’exclusivité qui a heureusement quasiment disparu (pour les contenus musicaux, car pour les podcasts c’est une autre histoire), les plateformes doivent se différencier en multipliant les innovations, au grand bénéfice de l’utilisateur.
Toujours plus pour le même prix
Apple Music a frappé un grand coup l’an dernier avec l’avènement de l’audio spatial et un catalogue de plus en plus important de morceaux à la qualité audio supérieure. Amazon Music s’est rapidement engouffré dans la brèche, mais Spotify joue encore la montre malgré une annonce pour le lossless remontant au mois de février hélas toujours pas suivie d’effet.
Chez Deezer, on a intégré le catalogue Hi-Fi dans la formule premium de base, mais celle-ci a tout de même augmenté de prix (10,99 € au lieu de 9,99 €), tout comme les autres abonnements du service. Qobuz et Tidal ont fait du Hi-Fi leur marque de fabrique : le premier avec une offre Studio Premier qui débute à 14,99 € par mois, le second avec des formules à partir de 9,99 €.
Tout récemment, Apple a lancé un nouvel abonnement, Apple Music Voice, qui donne accès via Siri à l’intégralité du catalogue pour 4,99 € par mois. Une bonne idée sur le papier, mais comme toujours avec l’assistant, l’exécution est plus difficile. On ne peut cependant pas retirer son originalité à cette offre ! Dans le secteur, il n’y a guère que la formule Unlimited d’Amazon Music à 3,99 € pour s’en rapprocher. Même s’il s’agit d’un accès illimité sur un appareil Echo ou Fire TV…
Apple Music va prochainement gagner des points auprès des amateurs de musique classique. L’acquisition du service de streaming spécialisé Primephonic annoncé l’été dernier va déboucher sur la création d’une application entièrement dédiée au genre. Le tout, sans surcoût pour ceux qui sont déjà abonnés.
Apple Music se distingue par l’absence de formule gratuite, contrairement à Spotify, Deezer et YouTube Music que l’on peut écouter sans rien débourser (en contrepartie de limitations dans les fonctionnalités, et aussi de pubs). Quant à Amazon, les abonnés Prime ont accès à un petit catalogue de 2 millions de titres.
Apple se fait en revanche assez généreuse sur l’essai gratuit. De base, la période dure trois mois, mais il est possible de gratter des mois supplémentaires avec Shazam ou en étant à l’affût des bonnes affaires. Qobuz et Tidal aussi proposent une période d’essai gratuite, limitée à un mois.
Autre atout méconnu d’Apple Music : le service va scruter les morceaux déjà présents dans votre bibliothèque locale (MP3 rippés de CD ou « récupérés » d’autres sources) et les rendre disponibles en streaming et au téléchargement sur tous les appareils connectés au même compte Apple. Ces titres sont « mis en correspondance » par Apple Music ; les chansons inconnues sont directement téléversées sur les serveurs d’Apple puis diffusés depuis le nuage.
C’est tout simplement l’équivalent d’iTunes Match, un abonnement annuel à 25 € qu’Apple ne met plus en avant depuis longtemps, mais qui existe toujours. Dans les deux cas, les morceaux mis en correspondance par Apple Music ou par iTunes Match sont sans DRM (ça n’a pas été le cas au début d’Apple Music). On ne va pas se mentir, cette fonction est bien utile pour « blanchir » une bibliothèque de MP3 pirates…
Apple Music se distingue également par l’affichage en temps réel des paroles. Toutes les chansons ne bénéficient pas de ce temps réel, mais il y en a de plus en plus, et c’est plutôt sympa pour vos soirées karaoké ! Il est même possible de les partager. Spotify s’y est mis très tard, en fin d’année dernière.
Il faut aussi noter la production de deux émissions françaises pour Apple Music, Hits Français Radio, consacrée à la scène francophone globale, et Le Code, dédié au rap. Cette dernière connait d’ailleurs un certain succès sur… YouTube, où elle est également disponible.
Et bien sûr, Apple Music est intimement lié à l’écosystème Apple, que ce soit avec Siri ou dans les différents systèmes d’exploitation. La plateforme n’a toutefois pas que des arguments en sa faveur. Il lui est souvent reproché des recommandations qui ne collent pas ou mal avec les goûts de l’abonné, ou encore des listes de lecture qui ne valent pas tripette.
Spotify mise beaucoup sur ses algorithmes, qui donnent en comparaison de bien meilleurs résultats (pour ce qui me concerne, mais c’est aussi le cas de pas mal d’utilisateurs). Apple Music s’enorgueillit de l’enrichissement humain de ses playlists, mais ça ne donne pas toujours de très bons résultats. On peut aussi reprocher la teinte « musiques urbaines » de l’onglet Explorer, qui déplaira à la minorité qui n’est pas fan.
Spotify est aussi beaucoup plus malin qu’Apple Music pour trouver des idées de listes sympas. « Mon Daily » mêle ainsi habilement des chansons avec des podcasts courts, ce qui donne à cette playlist des allures de matinale radio. Apple a beau avoir favorisé l’explosion du genre, il y a toujours cette barrière infranchissable entre les podcasts et la musique.
Et il y a aussi les rétrospectives annuelles très inventives de Spotify, quand Apple Music se contente d’une banale liste de lecture planquée dans un coin. Le service d’Apple met l’emphase depuis quelques semaines sur les listes de lecture à activer avec Siri en lien avec Apple Music Voice, mais certains intitulés font tout pour ne jamais être appelés (qui va vraiment demander à Siri de lancer la liste de lecture « Besoin de pleurer » ?).
Même s’il existait déjà des abonnements chez Apple (iCloud, AppleCare…), la plateforme de streaming a servi de prototype dans la stratégie « services » du constructeur. Pour le meilleur comme pour le pire, mais il est indéniable qu’Apple Music est devenu incontournable et une option sérieuse à envisager si on veut s’offrir un accès à un torrent de musique.
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