Nous parlons de la technologie QD-OLED (Quantum Dot-Organic Light Emitting Diode) de Samsung Display depuis 2019. Elle vient tout juste d’être introduite sur deux produits présentés au CES 2022, un téléviseur Sony et un écran PC de Dell Alienware. L’arrivée des dalles QD-OLED de Samsung sur le marché du téléviseur menace le monopole que LG détient depuis des années. Mais quel est l’intérêt du QD-OLED ? Quelles différences avec l’OLED « traditionnel » ? Pourquoi Samsung Electronics n’a pas annoncé de téléviseurs QD-OLED ?
Le QD-OLED, on vous en parle depuis plusieurs mois. Au CES 2022, plusieurs produits ont été officialisés avec cette nouvelle technologie. Il y a un moniteur ultra-large par Dell Alienware, il affiche une définition de 3440 x 1400 pixels avec un taux de rafraichissement allant jusqu’à 175 Hz. Sony a, de son côté, présenté un téléviseur QD-OLED, le Master Series A95K.
Mais qu’est-ce que le QD-OLED ? Et quelles différences avec l’OLED que vous connaissiez jusqu’à maintenant ?
Qu’est-ce que le QD-OLED ?
Cette technologie QD-OLED (Quantum Dot-OLED) est développée par Samsung Display. C’est une branche du groupe Samsung, à l’image de LG Display. Comme l’OLED que vous connaissez, chaque pixel génère sa propre lumière, le contraste est donc théoriquement infini. On a également d’autres avantages, comme les angles de vision larges et le temps de réponse instantanée.
Ces dalles ont donc la capacité d’émettre de la lumière sans recourir à une source lumineuse externe, ce que doivent faire les dalles LCD. Ceci est possible, car elles utilisent des diodes organiques, des composants électroniques semi-conducteurs qui permettent et contrôlent le passage du courant électrique dans un seul sens. Contrairement aux diodes conventionnelles, celles qui utilisent des matériaux organiques ont la capacité de réagir à une stimulation électrique en émettant de la lumière. On dit qu’elles sont autoémissives.
Enfin, il y a le « QD » de QD-OLED qui signifie Quantum Dot. C’est un point que nous allons aborder à la question suivante.
Quelles différences entre le QD-OLED et les dalles OLED produites par LG Display ?
Les dalles OLED fabriquées par LG Display sont de type W-OLED (White OLED), donc la lumière émise par chacune des cellules autoémissives est blanche. La technologie utilisée par LG est basée sur un ancien brevet acheté à Kodak en 1987. Traditionnellement, le principal problème de la technologie OLED RGB (qui est finalement le système utilisé par Samsung), est que la durée de vie du pixel bleu trop courte, autour de 8000 heures, alors que les pixel srouge et vert peuvent durer plus plus de 100 000 heures. Kodak a eu l’idée d’utiliser que des pixels blancs et de rajouter un filtre entre les pixels et la dalle. Du coup, plus de pixel bleu et donc pas de dégradations prématurées.
Pour obtenir une couleur, la lumière traverse donc un filtre composé des couleurs RVB primaires (rouge, vert et bleu). Et encore, c’est une explication très simple. En réalité, si vous zoomez sur un téléviseur LG OLED, par exemple, vous verrez tout un tas de sous-pixels qui ont beaucoup évolué ces dernières années. Mais ça n’a pas corrigé le principal problème de cette technologie : la lumière émise par le pixel blanc perd 30 à 40 % de sa luminosité quand elle passe à travers le filtre RVB.
À cause de cette conception, les dalles W-OLED ont un problème : elles ne peuvent pas montrer des éléments lumineux et en même temps saturés en couleurs, car vous obtiendrez seulement de la lumière blanche pure (le résultat du sous-pixel blanc).
Ce problème est terminé avec le QD-OLED : même le pixel le plus lumineux de la dalle peut s’afficher avec la saturation des couleurs correctes, car il n’y a pas de sous-pixel blanc pour « effacer » la couleur. C’est une véritable révolution dans le monde OLED. On obtient une vraie dalle RVB (RGB en anglais) : chaque pixel est exclusivement composé du rouge, du vert et des sous-pixels bleus, augmentant ainsi la richesse chromatique et la luminosité. On peut parler d’une dalle OLED où tous les pixels sont bleus (au lieu de blancs), et on ajoute les fameuses nanoparticules ou Quantum Dot.
La nouvelle structure de dalle QD-OLED est basée sur des points quantiques (nanoparticules ou QD ou Quantum Dots) au lieu du filtres de couleur RVB traditionnel. Ce sont des molécules qui, lorsque la lumière tombe dessus (qu’elle soit blanche ou bleu) sont excités, pouvant ainsi générer des couleurs différentes, à savoir les trois couleurs primaires.
La couverture de l’espace colorimétrique est théoriquement meilleure grâce aux boîtes quantiques. En plus de la saturation des couleurs dans les éléments plus clairs de l’image, c’est le spectre de couleurs propre à la dalle qui permettra d’afficher une colorimétrie avec les couleurs primaires les plus profondes (rouge, bleu et vert, comme nous l’avons vu auparavant), ce qui permet ainsi d’obtenir une couverture du spectre de couleurs beaucoup plus large.
Le QD-OLED promet ainsi une meilleure répartition des couleurs, ce qui améliorera encore l’excellent angle de vision des modèles OLED existants, mais sans avoir de problèmes de teinte lors d’un visionnage de biais. Les couleurs sont sensiblement plus riches et plus saturées, sans être artificielles, et l’impact HDR est théoriquement sensiblement plus grand, car les éléments lumineux de la plage dynamique sont plus « brillants ».
Le QD-OLED souffre-t-il des mêmes problèmes que l’OLED « traditionnel » ?
Les réfractaires à l’OLED citent souvent les brûlures d’écran (burn-in en anglais).
C’est un problème des écrans à diodes électroluminescentes organiques (OLED) qui n’est pas un phénomène nouveau. Il existe depuis aussi longtemps que les écrans existent, même les écrans d’ordinateur à tube cathodique à l’ancienne souffraient de ce problème. Le terme, d’ailleurs, nous vient de l’époque des écrans CRT, sur lesquels le phosphore émettant de la lumière et générant l’image perd sa luminosité au fil du temps. L’avantage des diodes électroluminescentes organiques est qu’elles brillent sans rétroéclairage. En revanche, leur durée de vie est limitée à environ 20 000 heures selon l’état actuel des connaissances. À raison de cinq heures de TV par jour, vous profiterez au moins dix ans de votre TV OLED.
Mais plus la luminosité des OLED est élevée et plus longtemps elles sont allumées, plus elles perdent rapidement leur intensité lumineuse. Un burn-in n’est donc rien d’autre que des pixels OLED qui ne peuvent plus briller avec autant de clarté que les pixels environnants. Un vieillissement déséquilibré en quelque sorte. Ainsi, un marquage se forme lorsque certains pixels OLED sont très fortement sollicités en comparaison avec d’autres (avec une image fixe affichée trop longtemps par exemple).
Heureusement, les fabricants usent de méthodes pour diminuer le risque de marquage : mécanisme de nettoyage d’image résiduelle, détecteurs d’images fixes, décalage de l’image affichée, actualisation des pixels, réglage local de la luminosité… Notez qu’aujourd’hui, aucune technologie n’offre tous les critères du téléviseur parfait. Les derniers téléviseurs Neo QLED de Samsung, par exemple, présentent un pic de luminosité élevé et un filtre antireflet inégalé, mais le blooming est encore visible et peut être dérangeant notamment avec l’utilisation de sous-titres.
Bref, revenons à notre QD-OLED. Est-il sensible au marquage ? Cette technologie n’échappe pas au problème de marquage. D’autant plus que nous n’avons pas encore suffisamment de recul. D’ailleurs, Alienware offre une garantie de 3 ans contre le burn-in sur son nouveau moniteur QD-OLED.
LG en est à sa troisième génération d’OLED. Samsung, en revanche, ne nous a pas encore montré ce que ses dalles QD-OLED ont à offrir. Cette technologie s’appuie sur des innovations bien connues telles que les points quantiques et l’OLED, mais il s’agit toujours d’une nouvelle technologie d’écran. Il faudra vérifier sur le QD-OLED ne souffre pas d’une dégradation prématurée des pixels bleus, ou si sa résilience à la rétention d’images statiques est identique, meilleure ou moins bonne que celle des dalles OLED classiques. Ce n’est pas tout. Le QD-OLED produit-il vraiment les couleurs avec autant de précision et de richesse que nous l’affirment Sony et Samsung Display ? La luminosité maximale effective est-elle vraiment plus élevée ?
Quel est l’intérêt du QD-OLED ?
Si vous avez lu attentivement l’article, vous connaissez les qualités du QD-OLED par rapport à l’OLED « traditionnel ». Mais, nous n’avons pas de recul sur cette technologie. Sony, par exemple, utilise toujours les dalles OLED WRGB de LG Display, mais sur ses téléviseurs à prix légèrement inférieur : A80K et A90K. D’ailleurs, ni Alienware ni Sony n’ont annoncé le prix ou la disponibilité de leurs produits QD-OLED. Bref, nous ne connaissons pas encore le coût du QD-OLED.
Mais dans un marché économique, la dynamique concurrentielle a un intérêt pour les consommateurs. Rappelons que LG Display travaille avec beaucoup de fabricants de téléviseurs dans le monde, y compris Panasonic, Sony, Sharp ou encore Philips. Cette compétition nous permet d’imaginer que dans quelques années, le prix des téléviseurs OLED continuera de baisser sensiblement.
Le QD-OLED va permettre également de continuer à étendre l’usage de l’OLED. Comme vous l’avez vu, le QD-OLED a permis de bénéficier de la technologie OLED sur un moniteur ultra-large avec des caractéristiques de gaming, ce qui n’était pas le cas avec l’OLED de LG Display.
Samsung Electronics n’utilise pas le QD-OLED ?
Samsung n’a pas présenté de téléviseurs équipés d’une dalle QD-OLED sans donner d’explication à cela. Précisons néanmoins que plusieurs branches de recherche & développement existent au sein du groupe Samsung : Samsung Display et Samsung Visual Display.
Samsung Visual Display est en charge du développement des TV LCD de la marque, notamment des dalles Neo QLED (et donc du Mini LED). Nous avons d’ailleurs découvert les derniers écrans Neo QLED qui utilisent du Mini-LED. C’est aussi cette entité qui s’occupe du développement de la gamme TV Micro LED, dont nous avons également découvert de nouveaux produits au CES 2022. La division Samsung Display s’occupe, elle, de fabriquer les dalles Samsung, OLED. C’est par exemple Samsung Display qui fabrique les dalles OLED des smartphones Galaxy, mais aussi des iPhone.
Ces deux divisions de la société Samsung Electronics sont en concurrence, ce qui peut sembler complètement fou. Samsung Visual Display reproche même à la technologie QD-OLED de Samsung Display un manque de luminosité avec un pic sensiblement en deçà de celui des TV Neo QLED.
Cela peut expliquer que Samsung Electronics ait fait, pour le moment, le choix de se concentrer sur le Mini LED et le Micro LED. En tout cas, il n’y a pas eu de téléviseurs Samsung QD-OLED présentés au CES 2022.
Quelle est la réponse de LG Display ?
LG expérimente depuis plusieurs années une manière d’améliorer ses dalles WRGB et s’est rendu compte que l’un des principaux obstacles à l’amélioration de la dalle était la luminosité. Les derniers téléviseurs ont fait des progrès, dont les nouvelles séries C2 et G2, mais ce n’est pas encore suffisant.
La solution est de déplacer les pixels de l’arrière (en bas) vers l’avant (en haut). Dans cette technologie, le filtre fluorescent utilisé dans les téléviseurs OLED (qui génère des couleurs RVB) serait remplacé par un émetteur à fluorescence retardée activée thermiquement (TADF) fabriqué par la société Cynora. C’est ce que l’on appelle la technologie OLED WRGB-TAD. Cette technologie TADF combine deux avantages : la durée de vie de la fluorescence et l’efficacité de la phosphorescence. De plus, cette technologie est compatible avec la fabrication de dalles à l’aide d’imprimantes 3D, ce qui réduirait le coût de fabrication.
Le pic de luminosité maximum pourrait arriver à environ 1300-1400 nits et l’image ne serait pas limitée en luminosité lorsque l’écran est 100 % blanc. Malheureusement, chaque année, cette technologie subit un nouveau retard dû à des désagréments imprévus. De plus, la couverture des couleurs ne sera pas aussi riche que celle des dalles QD-OLED.
Ce qui est clair (ou pas) aujourd’hui, c’est que LG Display a atteint les limites actuelles de l’OLED. Le temps et surtout les ventes donneront raison à l’un des deux géants coréens, mais une chose semble claire : il ne peut en rester qu’un. Et nous ne pouvons pas garantir un gagnant, car d’autres technologies — comme le Mini LED et le MicroLED — sont très prometteuses.
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