Rencontre avec Baby Rose – « C’est comme une lente danse dans une pièce en feu »

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Jasmine Rose Wilson, aka Baby Rose, nous dévoile son romantique et puissant 2ème album Through and Through. Un opus envoûtant imbibé d’amour et de soul.

Après un premier album remarqué, To Myself, la jeune chanteuse américaine Baby Rose à la voix de velours, souvent comparée à Amy Winehouse ou encore la grande Nina Simone, nous délivre un second album fascinant et personnel. Soutenu par J.Cole, SZA ou encore James Blake, nous ne ne pouvions que saliver face à ce nouvel effort imprégné de soul et de r’nb dégoulinant d’amour et d’envie. Through and Through nous ouvre les portes sur l’hypersensibilité de Rose à travers 11 titres ensorcelants.

Nous avons pu rencontrer la chanteuse à l’hôtel Alba Opéra afin de discuter et d’en savoir plus à propos de ce nouvel album. Nous y parlerons d’Atlanta, sa ville de cœur, de sa jeunesse parfois rude causée par le harcèlement scolaire mais surtout de sa force qu’elle construit autour de l’amour. Une rencontre inspirante et émouvante.

C’est ton 2ème album et trois années sont passées depuis To Myself (2020). Qu’as-tu fais pendant cette période et pourquoi avoir pris autant de temps pour ce deuxième album ?

Beaucoup de choses sont arrivées pendant cette période, beaucoup de maturité, d’apprentissage, d’essais et d’erreurs. Mais en général ce qui s’est passé est ce qui est arrivé à tout le monde. La pandémie a comme fait se poser tout le monde et nous a fait faire face à nous-même.

J’étais en train de négocier un pacte avec moi-même et ça c’est comme envolé. Mais oui j’étais en train de composer pour ce second album avant tout. Je passais à travers une crise personnelle et intérieure.

Est-ce que c’était quelque chose de voulu de prendre ton temps pour ce 2ème album ?

Pas vraiment mais tant mieux que ce soit arrivé. Ça m’a donné du temps parce que, avant qu’on soit toustes confiné·es j’étais prête à travailler sur un futur proche. Je ne savais pas comment j’allais enregistrer ce deuxième album. Je ne savais vraiment pas et je n’avais aucune autre chanson. C’était comme si je repartais de zéro, donc la pandémie m’a donné ce temps.

Une fois que j’ai su que certains studios étaient ouverts pour enfin m’accueillir, j’ai pu vraiment prendre le temps de m’asseoir et affiner ce que j’essayais de dire et aussi d’essayer de travailler avec différentes personnes. En allant à Nashville, j’ai eu l’impression d’aller en vacances et ça m’a aidé à devenir une meilleure compositrice, ainsi que de me sentir plus forte. C’était vraiment magnifique. C’était incroyable de pouvoir expérimenter toutes ces choses sans la pression du temps et pouvoir me poser avec moi-même. Passer à travers toutes mes émotions sans que trop de personnes sachent à quelle point c’était chaotique pour moi à cette période. Mais tu sais, tout ça transparait à travers la musique, je suis capable d’honorer tous ces côtés de moi.

Qu’est ce qui t’a aidé à continuer ?

Juste le fait de savoir qu’au plus de profond de moi que tout arrive pour une raison, et que tout ce qui se passe est là pour m’aider à avancer et non l’inverse. C’est ce sentiment d’aller de l’avant en permanence.

Et du coup ce deuxième album arrive. Il s’intitule Through And Through, est-ce que c’est toi dans tous les sens du terme ?

Complètement. J’ai l’intention avec cet album de faire en sorte que, si c’est la dernière œuvre que je produis, qu’elle puisse être capable d’englober qui je suis et ce que j’ai essayé d’accomplir sur cette terre. Que dieu nous en préserve (elle frappe sur la table) j’écrirais beaucoup d’albums. Je me sens comme un parent dans beaucoup d’aspects, il faut mettre en perspective que toutes ces choses qu’on pense être éternelles peuvent nous être enlevées littéralement en une journée, en un instant, et c’est ce qui me fait apprécier le fait que j’étais capable de faire des sessions, dans un bus à l’extérieur, qui testait les gens, pour qu’ils soient en sécurité. J’étais comme une mère dans ce camp. On buvait de l’alcool mais aussi des jus verts et on prenait des vitamines.

C’était quoi comme genre de camp ?

L’idée m’est venu de Cole, J Cole, lorsqu’il a créé Revenge of The Dreamer III à Dreamville, dans lequel je me suis glissée et qui a changé ma vie. Quand j’ai fait cet album, j’ai vu comment déjà il dirigeait Tree Sound, un énorme studio situé à l’extérieur d’Atlanta. Il y avait 15 pièces et c ‘était toujours plein à craquer. Il y avait tellement de gens, ils créaient dans les couloirs, la cuisine, le salon, partout où ils pouvaient créer et collaborer ensemble.

Je voulais faire quelque chose de similaire pour moi, où j’inviterais tous les gens avec qui je travaille habituellement ainsi que ceux qu’ils recommandent ou des gens avec qui j’ai toujours voulu travailler comme John Key, Slim Wade, et d’autres compositeurs. La seule réserve que j’avais c’est que je ne voulais pas écrire une compilation avec plusieurs artistes car de toute façon il n’y avait que moi. Nous avons donc transformé 3 chambres en 5 et je me suis dit : « ok, tout le monde ». Je devais partager mon temps équitablement, nous avions une feuille de calcul et ce n’était pas aussi chaotique que Dreamville, parce que je devais être très stratégique avec mon temps sur une période de seulement 4 ou 5 jours. J’étais la première arrivée et la dernière partie, de 9 heure à 2 ou 3 heures du matin tous les jours pendant 5 jours et nous avons enregistré un sacré album. On a composé « Power » ou encore « Paranoïd ». Nous avons fait beaucoup de choses et c’était par pur amour.

Mais ce studio était à côté d’Atlanta ?

C’était même dans Atlanta.

Donc tu y vis toujours ?

J’ai une maison là-bas, celle de ma mère. Mais j’ai un appartement que je loue à Los Angeles.

Est-ce que c’est une ville qui t’inspire ? Car quand les gens parlent d’Atlanta je ne peux m’empêcher de penser à la série de Donald Glover.

Woaw, tu regardes la série Atlanta ?

Oui je pense que c’est une des meilleures séries au monde.

Complètement ! Cette série est tellement précise et vrai sur Atlanta ! C’est un monde à part cette ville, c’est la Mecque des Noirs. Atlanta est riche en culture et — oh mon dieu ! comme je l’aime et elle m’aime en retour. Je suis tellement reconnaissante d’avoir cet amour pour elle parce que c’est là où tu vas pour te construire, trouver qui tu es afin d’être encouragé et affirmé pour cela. Même moi qui n’était pas totalement dans le r’n’b ou ce genre de choses, j’ai trouvé mes ailes à Atlanta. Elle m’a donné la confiance nécessaire pour devenir qui je suis aujourd’hui donc je dois beaucoup à cette ville. Et il y a de grands noms qui viennent d’Atlanta comme Donald Glover ou encore Andre 3000.

J’ai lu que tu avais commencé à écrire de la musique très tôt. Peux-tu nous parler de qui était la jeune Rose ainsi que du moment où elle a commencé à écrire ?

Je dirais que lorsque j’ai commencé à écrire de la musique, j’avais environ 9 ans. Mon oncle m’avait offert un piano. J’avais découvert que j’aimais le piano encore plus jeune, peut-être 5 ans, en voyant un de mes cousins jouer à Noël. Je m’étais dit  : «  qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce qui se passe ?  ». J’ai eu l’impression qu’il m’avait choisie à ce moment-là et non l’inverse.

Qu’est ce que tu veux dire par « comme si le piano t’avait choisi »  ?

Oui, cela m’a attiré, tu vois ? Et à partir de là, j’ai pris les poèmes que j’écrivais et je les ai transformé en couplets pour en faire des chansons ou des refrains accrocheurs. J’ai appris à écrire des chansons en écoutant Elton John et en apprenant quelques standards. Je suis tombée amoureuse de Simon and Garfunkel, Carol King et tout simplement des standards ! Dolly Parton, Ray Charles,… J’aime les choses qui parlent de qui vous êtes au plus profond de vous. 

Tu me parles de tes influences, et j’imagine que Amy Winehouse et Nina Simone sont des artistes qui t’inspirent énormément. D’ailleurs beaucoup de gens comparent ta voix à ces deux reines de la musique. Je me demandais, car tu as une voix spéciale, dans le bon sens du terme, comment et quand as-tu découvert que tu étais unique grâce à cette voix qui était sûrement plus difficile à accepter quand tu étais plus jeune ?

Quand j’étais au collège, j’ai été victime d’intimidation et de harcèlement, mon estime de moi-même était très mauvaise et je me suis beaucoup repliée sur moi-même. Je jouais du piano dans le hall de ma maison après l’école, j’écrivais et chantais mes chansons et d’autres choses comme ça, ma propre musique. Lorsque je suis arrivée au lycée, j’ai décidé que j’en avais assez et qu’il était temps que je change mon image. Je ne voulais plus être connue comme la fille sur laquelle les gens marchent, qu’ils traitent comme une moins que rien et qu’ils ignorent. Je suis Lion, j’aime beaucoup aimer, j’aime être aimée, je donne de l’amour et j’échange de l’amour. J’ai réalisé que j’avais besoin d’un changement et du coup je me suis inscrite au concours de talents de mon école. Ils ont sorti un piano pour moi, puis j’ai interprété une de mes compositions et j’ai gagné la première place.

C’est à ce moment-là que j’ai eu le déclic. Parce que mon école était dans un quartier difficile. C’était en Caroline du Nord dans un quartier qui craint où les enfants s’en foutent de tout. S’ils voulaient te huer ils allaient vraiment te huer. Vu que c’était un concert en dehors de l’école, il s’en fichait car aucune possibilité d’être envoyé en détention. C’était très stressant mais à partir de ce moment-là, j’étais connu pour être « la Chanteuse ». On me disait que « ma voix était magnifique », on m’appelait « Little Alicia Keys », ce genre de choses. Les  gens me harcelaient mais cette fois-ci parce que j’étais moi-même, parce que je chantais ma chanson et non celle de quelqu’un d’autre, que c’était vraiment profond et la structure des accords était telle, que si j’avais pu enregistrer cette même chanson aujourd’hui, elle serait un hit. C’était comme si le moi d’aujourd’hui était déjà là à ce moment là. Je devais avoir 14 ans à l’époque et cette événement à tout changé.

L’année suivante, j’ai participé à 106 & Park, j’étais trop jeune pour concourir mais ils m’ont fait participer à un showcase. C’était comme si mes ambitions grandissaient et que je voulais qu’encore plus de gens découvrent ce que je faisais. C’est ce qui m’a fait réaliser que c’était mon but, que j’allais réussir, que j’allais devenir quelqu’un et que j’allais être géniale comme tous ces gens que j’admire. Janis Joplin avec ses grands cheveux et ses bracelets, Elton John avec ses paillettes et son piano rouge, j’ai d’ailleurs peint mon piano en rouge à cause de lui. Je les ai regardés au-delà de leur voix, parce qu’on nous compare souvent à nos voix ; nous sommes contralto, mais au-delà de ça, en les observant, j’ai vu à quel point ils étaient audacieux dans leur approche, leur style et tout ce qui s’y rapproche. Je me suis dit que c’était ce que je voulais pour moi.

Tu me parlais que la musique vient de l’âme tout à l’heure. Est-ce que c’est pour ça que tu as choisi la musique soul pour t’exprimer ?

Je ne mets pas vraiment d’étiquette sur ma musique. Je pense qu’elle est un type de musique qui se transforme, qui se transforme au grès de mes intentions que j’essaie de transmettre. Par exemple, «  Fight Club  » est très alternative, «  Stop The Bleeding  » est une ballade, «  Dance With Me  » et «  Go  » sont une sorte de rn’b soul blues ou autre, et «  Paranoïa  » est plutôt psychédélique. Peu importe ce que j’essaie de transmettre comme «  I Won’t Tell  » qui est très funk aussi.

Je ne peux pas m’imaginer que dans un seul genre et je pense que David Bowie dirait la même chose. Je suis même sûr qu’il dirait ça. Tu ne peux pas me catégoriser même si c’est ce que tu veux. Puis je sais que ça facilite une certaine compréhension, mais n’essayez pas de la comprendre, ressentez-là plutôt. Je suis juste une compositrice et une musicienne honnête et je veux vraiment vous faire passer mon message. Je suis donc prête à changer de forme pour y parvenir, pour revivre des expériences. Rendre douloureusement clair ce que j’essaie de dire.

Je rebondis avec le morceau « Fight Club », il y a deux featurings sur l’album, un avec Georgia Anne Muldrow and Smino. Comment vous-êtes-vous rencontrés et comment avez-vous procédé pour écrire ces chansons ?

C’étaient deux expériences uniques et incroyables. Georgia Anne Muldrow est devenue comme une grande sœur pour moi, elle est merveilleuse ! Une femme incroyablement créative et extraordinaire qui est l’une des meilleures productrices et voix que je connaisse. Je l’ai rencontré car elle est venue au Revival Studio et on a discuté un peu. J’avais converti toutes les salles du Revival. La salle des commandes était devenu une autre salle, la salle du live en une autre aussi. Quand elle est arrivé mes musiciens étaient en train de jouer dans la salle du live donc on est passé voir et ils jouaient, à ce moment-là, les prémices de « Fight Club ». J’ai pris mon micro et j’ai posé ma voix. C’était comme un studio improvisé là-bas, c’était vraiment brut. Puis je lui ai dit : « Georgia, à ton tour ? ». Elle me répond « d’accord mais garde ton chant comme ça, je vais chanter au-dessus ». Elle commence à contrer ma mélodie et ça sonne tellement bien, c’est comme si quelqu’un était au-dessus de mon épaule et m’encourageait à continuer. Ca m’a rappelé le film Fight Club avec ces 2 personnalités, cette même personne avec un alter-ego, et donc j’ai adoré. On a écrit cette chanson comme ça, c’était très brut. J’aime quand on peut capturer un moment comme ça.

Pour ce qui est de notre rencontre avec Smino, je l’ai rencontré à Dreamville. C’est la première fois que je le rencontrais et il était partout en train de créer dans cette pièce où on était. J’ai toujours admiré Smino de loin, il est l’un des artistes les plus intéressants du moment. J’aime la façon dont il prend son temps et la façon dont il est intentionnel, je le vois, je suis comme lui, comme je vois mes propres choses. Mon manager m’a dit de voir où il voulait aller avec ce morceau. Smino était très excité à l’idée d’y participer et je savais que c’était bon signe. On a fait « I Won’t Tell » et c’est une tuerie. Je suis très reconnaissante envers ces deux personnes qui figurent sur l’album.

C’est comme si ces deux collaborations étaient venu à toi.

Exactement, très naturellement et sans pousser, il suffisait juste de laisser couler et d’améliorer l’album.

Quand je me suis plongé dans les paroles, j’ai remarqué que le thème principal était l’amour et le fait de se battre pour cet amour dans la relation. Je pense aux titres «  Go  », «  Dance With Me  », et a «  Power  » en particulier où l’amour peut guérir. Penses-tu que la jeune génération ne se bat plus pour l’amour ?

J’ai l’impression que parfois ils traitent l’amour comme des iPhones. Tu le casses donc tu en prends un nouveau. Ils ne cherchent plus à réparer une relation, ils préfèrent en trouver une autre et moi je ne ferais jamais ça. Il faut savoir se libérer de relation toxique et faire la part des choses parfois heureusement mais sur certain aspect, non. Nous devons nous battre. Il y a des choses auxquelles il faut s’accrocher, pour lesquelles il faut se battre surtout quand il s’agit d’amour, d’amour de soi, d’aimer son bien suprême, d’aimer l’amour même quand il n’est pas d’accord avec nous. Comme aimer ce qui est, aimer la réalité pour ce qu’elle est, qu’elle soit favorable ou défavorable, confortable ou inconfortable. Aimer chaque leçon que tu as apprise, comme si tu ne devais pas l’ignorer, la rejeter ou l’effacer de ta mémoire, mais plutôt l’apprécier et lui donner de la valeur. Apprends ce que l’amour essaie de te dire comme la personne avec qui tu es qui est un reflet de toi, que tu le veuilles ou non, elle ne fait que te refléter. Ne rejette pas cette chose par dégoût ou autre, apprends de tout ça.

Aimer pour ce qui est bon, mauvais ou laid. « Go » parle évidemment plus d’une sorte de confiance stable comme si je la chantais du haut d’une montagne pour que tout le monde m’entendent sans honte. « Dance With Me » est plus la sœur instable de cela. « Do I need to dance with you ? » c’est comme si tout ça était en train de s’effondrer et tu peux le voir dans la structure des refrains. C’est très dissident par moment comme une lente danse dans une pièce en feu. Mais il y a aussi une tension sexuelle qui est très palpable.

C’est même une belle métaphore.

Elle peut être métaphorique. «  Dance With Me  » est l’une de mes chansons préférées parce qu’elle me reflète vraiment, sur comment je peux devenir désespérément romantique, m’accrocher même si ce n’est pas bon pour toi. Elle met juste de la lumière sur ça. Je sais que les gens vont l’interpréter à leur manière et je les invite à le faire.

Mais ce que ça dit pour moi, c’est que c’est la version la plus instable et elle se trouve juste avant «  Paranoïd  » qui est sur ma première prise de conscience que je n’allais pas bien.

Ma dernière question est en référence avec «  Dance With Me  ». Quelle serait la chanson parfaite pour une première danse ?

Ouhhh ! ! ! Une première danse… Quelque chose de Marvin Gaye. Pas «  Let’s Get It On  » ou autre. Non C’est un peu trop scandaleux. Non je vais dire plutôt «  You Don’t Know My Name  » d’Alicia Keys. J’aime cette chanson, elle est très innocente et coquine.

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