« Donner envie », c’était le thème retenu pour la Convention des Entreprises du Voyage (EdV) Ile-de-France organisée au Québec, convention qui vient tout juste d’achever. Une thématique qui a permis d’aborder les principaux défis auxquels le secteur fait actuellement face, et la façon dont ces nouveaux enjeux pèsent sur son attractivité.
Dès l’ouverture de la convention, Lionel Rabiet, le président des EdV Ile-de-France, est revenu sur les questions qui agitent la profession. « Est-ce qu’aujourd’hui, nous pouvons encore organiser une convention d’agents de voyages à 5000 km de ses frontières sur une durée aussi courte, a-t-il interrogé. Est-ce que nous devons culpabiliser ? Moi je pense que non ». « D’abord parce que cette convention sera entièrement compensée, a-t-il indiqué. Ensuite, parce qu’en nous rendant au Québec, nous venons faire la promotion d’une forme de tourisme responsable, car le Québec a vraiment cette dimension écologique au cœur de ses valeurs. (…) Mon ambition pour cette convention, c’est que nous allions tous ensemble vers cette transition. Et c’est en assistant à des conférences, en échangeant avec nos partenaires que nous sensibilisons, que nous prenons des engagements, que nous faisons avancer nos métiers vers un tourisme plus responsable. »
« Il est temps de passer à l’offensive »
Le sujet a été plus largement abordé lors du table ronde, quelques jours plus tard, au centre de congrès de Trois-Rivières, au cours d’une discussion axée sur le tourisme bashing, le désamour du secteur et les difficultés de recrutement. « Est-ce que l’aérien ne doit plus faire partie des rêves d’enfant ? », soulevait en préambule cette table ronde, rebondissant sur la décision d’une élue de ne plus subventionner des baptêmes de l’air en avion pour les enfants malades au motif que l’argent public ne devait pas financer des activités reposant sur la consommation de ressources épuisables. « C’est triste d’entendre ça, a réagi Cyril Cousin, le patron d’Air Transat. Evidemment, il faut que nous soyons responsables dans notre approche et que nous prenions en considération les nouveaux enjeux. Mais les talibans de l’écologie, non. Il y a peut-être une fatalité au changement climatique, mais je fais quand même confiance au génie humain, à la technique et aux avancées technologiques pour que la situation s’améliore. » Et de citer notamment l’exemple des l’A321 LR opérés par Air Transat et sur lesquels les participants de la convention ont fait le voyage, qui consomment 15% de carburant en moins. « Nous avons pris 30% d’une société québécoise pour nous approvisionner en carburant propre à compter de 2025, un carburant synthétique qui sera neutre pour la planète, a ajouté Cyril Cousin. Après se pose la question de l’acceptabilité de la transition en termes de prix. » A terme, le prix du billet d’avion pourrait doubler, calcule t-il.
« Il est temps que notre profession passe à l’offensive au lieu d’être sur la défensive, est de son côté convaincu Julien Buot, le directeur d’Agir pour un tourisme responsable. Je pense qu’il faut qu’on sorte de l’ère du greenwashing, certes, mais aussi de l’éco-chuchotement (une tendance à trop passer sous silence les efforts faits en matière de développement durable, ndlr). Le greenwashing, on peut caricaturer ça comme de la publicité mensongère et c’est répréhensible par la loi, on ne devrait jamais en faire. Mais l’éco-chuchotement non plus, on ne devrait jamais en faire. Quand on a des choses à dire sur le tourisme responsable qui sont réelles et qui sont chiffrées, il faut les dire. A nos clients, à nos fournisseurs, à nos médias. Il faut en être fier, même si nous sommes lucides sur le fait que le chemin reste encore long à parcourir pour prétendre être plus responsable. » Le débat a aussi fourni l’occasion de revenir sur la notion de compensation. « La compensation est un concept sulfureux parce qu’il a été galvaudé par des gens qui le faisaient mal, estime Julien Buot. On peut aussi faire de la belle compensation. L’essentiel c’est de commencer. Quand les entreprises se lancent dans des démarches responsables, jamais elles ne reviennent en arrière. Nous sommes là pour vous accompagner », a rappelé le directeur d’ATR. « La question du tourisme durable passe par la formation, a de son côté ajouté Lionel Rabiet. Il faut que tous les agents de voyage puissent se former. Pour avancer dans cette voie et répondre aux attaques, il faut bien connaître le sujet. »
« Le plafond de verre, il est là »
L’innovation pour développer des avions plus propres, des trains moins énergivores – la SNCF s’y emploie – et pour renforcer l’attractivité du secteur, comme autant d’outils destinés à former, simplifier le quotidien des professionnels, recruter… C’était le sujet d’une table ronde dédiée. « Le monde de l’innovation, c’est un monde totalement enthousiasmant à découvrir, mais ce n’est pas un monde qui va répondre à toutes les questions d’attractivité des métiers, il va apporter parfois des petites touches, des éléments, des solutions concrètes pour répondre à certaines problématiques, a prévenu Laurent Queige, délégué général du Welcome City Lab. Mais ce qui est intéressant, c’est de voir l’état d’esprit, et toutes les possibilités qui peuvent être développées avec le monde des start-up. » Un point sur lequel le rejoint Tristan Daube, CEO de TravelAssit. « Nous les start-up, nous comptons aussi sur vous, opérateurs de voyages, pour nous accompagner en apportant vos problématiques. Il n’y a pas assez d’opérateurs de voyage qui viennent vers le Welcome City Lab. N’hésitez pas à le faire. Venez nous exposer vos problèmes et réfléchir avec des start-up. » « Ce que l’on voit à travers toutes ces start-up c’est que le monde du tourisme reste attractif pour tout un tas de jeunes qui se lancent et qui ont la passion, observe Laurent Queige. Notre rôle consiste à entretenir cette passion, à leur permettre de réussir leur projet professionnel. »
Même si depuis la création du Welcome City Lab en 2014, les chiffres n’évoluent pas : 80% des créateurs de start-up sont encore des hommes. Une problématique traitée, non sans quelques remous, lors d’une dernière table ronde consacrée à la parité hommes-femmes. « Il faut que les femmes s’autorisent à accéder au pouvoir, a martelé Christine Giraud, la présidente de Femmes du Tourisme, encourageant les femmes à cultiver la sororité et à associer les hommes à ce combat. « Aujourd’hui dans l’industrie du tourisme, il y a 55% de femmes qui travaillent dans les métiers du tourisme, 20% qui occupent des fonctions de manager et 8% qui occupent des postes à forte responsabilités », a-t-elle énuméré. « Au Seto, les 50 plus gros opérateurs ce ne sont que des hommes, la CAT, ce sont huit hommes« , a ajouté Lionel Rabiet. « Le plafond de verre, oui, il est là, constate quant à elle Laurence Gaborieau, la à la tête de l’IFTM. Il est là sur tous les métiers, peut-être un peu plus dans le monde du tourisme par rapport aux différents secteurs que j’ai pu gérer. Mais le verre, ça se brise, et le plafond, on peut le mettre encore plus haut. » « Il ne faut pas oublier que c’est un levier de performance que d’avoir des femmes à des postes de direction. Une étude a montré que plus l’encadrement féminin est important, plus la croissance, la performance et la compétitivité sont importantes dans une entreprise », a souligné Valentine Jean-Richard, directrice générale de Parfums du Monde. « Je constate dans mes discussions que nous sommes de nombreux hommes du tourisme à vouloir se battre pour cette égalité hommes femmes en étant parfois un peu démunis aussi de nôtre côté, a témoigné Laurent Queige. Je ne sais pas dans quel cadre, mais moi j’aimerais bien contribuer à ce combat par des outils, des méthodes. » Un appel partagé par Lionel Rabiet. « J’ai la conviction que notre secteur fonctionnerait mieux sur tous les sujets (évoqués lors de la plénière) s’il se féminisait un peu plus. » De son côté, Nicolas Lioger, directeur général de Veepee, a détaillé les mesures prises pour accompagner les femmes dans leur carrière : télétravail, onboarding spéciaux lors du retour du congé maternité – mais aussi paternité -, entre autres. Au sein de Veepee, sur 5500 salariés, 60% sont des femmes. Le Codir est composé à 50% d’hommes, 50% de femmes.
Question clef à la fois en termes de parité et d’attractivité – même si elle est loin de s’y résumer – la problématique des salaires a aussi été évoquée. « Aux EdV, nous avons tout mis à plat dans le cadre de l’observatoire, a précisé Jean-Pierre Mas (…). Nous avons signé un accord d’égalité femmes hommes il y a quatre ans, dont l’objectif est de réduire à la fois les écarts de salaires – et là je crois que nous faisons de très gros progrès – mais aussi de permettre que la représentativité des femmes dans les catégories les plus hautes soit équivalente à celle des hommes. » Valérie Boned est aussi revenue sur le sujet de la rémunération lors d’une intervention, évoquant notamment une réunion concernant les négociations salariales en cours, qui a eu lieu lundi, et ce alors que la proposition des EdV a été retoquée par les syndicats. Pour l’heure, ces nouvelles discussions n’ont rien donné. Parallèlement, des accord sont en cours de discussion, accords portant sur l’intéressement, le télétravail ou la participation. L’objectif des EdV est aussi de développer la formation.
Autant de sujets dont on devrait connaître les développements dans les semaines qui viennent mais aussi lors de la prochaine convention des EdV Ile-de-France. Elle se tiendra en mars, en Guyane. Au niveau national, les EdV organiseront de leur côté leur convention à l’île Maurice, en juin.
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