Fait-on encore des films dans l’urgence ? À part quelques irréductibles ouvriers et ouvrières d’un écosystème lo-fi (le Coréen Hong Sang-soo en tête), peut-on encore imaginer beaucoup d’hommes et de femmes de cinéma aventurier·ères au point de se rendre sur un plateau de cinéma, sans présager ce qu’ils et elles vont tourner ?
De par son casting chic (le couple Louis Garrel/Laetitia Casta), porté à bout de bras par l’influent producteur Pascal Caucheteux, La Croisade n’est pas tout à fait l’idée que l’on se fait d’un cinéma de l’urgence.
Cadres brinquebalants
Pourtant, à l’image du jeune Joseph qui s’est lancé pour mission de sauver la planète, La Croisade n’est traversée que par une seule certitude : agir. Moins abouti que les deux précédents films de Garrel qui parvenaient à tisser avec virtuosité l’art du marivaudage, c’est précisément pour sa politique d’action imparfaite, son récit parfois boiteux, ses cadres brinquebalants (certains semblent avoir été volés à l’iPhone), que l’on aime La Croisade.
Sans qu’il n’ait été possible de le prédire, La Croisade est également rattaché à un événement de vie tout sauf anodin : c’est le dernier scénario cosigné par l’immense Jean-Claude Carrière, avant son décès début 2021. Un héritage modeste au vu des chefs-d’œuvre qui nourrissent la filmographie de l’auteur mais qui sied si bien à la nature d’une écriture qui aura su maintenir de bout en bout sa sève incisive et la fraîcheur enthousiaste du débutant. Aux extrémités de l’expérience humaine, Joseph comme Carrière disent tous deux ce qu’est le visage lumineux de la jeunesse.
La Croisade de Louis Garrel, avec lui-même, Laetitia Casta, Joseph Engel (Fr., 2021, 1 h 07). En salle le 22 décembre.
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