ARNAQUE – Lorsque “Patrick” est apparu comme un profil correspondant à mes critères, j’ai cliqué sur “j’aime”.
Son profil ne contenait que deux photos pixellisées, mais il avait l’air beau, assis sur sa moto avec un sourire qui semblait s’adresser à moi, tandis que sur l’autre photo, également en plan rapproché, il avait les yeux un peu plissés par le soleil.
D’emblée, il avait envie de communiquer, ce qui le distinguait des autres partenaires potentiels que j’avais trouvés sur ce site de rencontre. J’ai un peu tiqué à la vue des fautes de grammaire de ses premiers messages, mais c’est rapidement passé, car nous nous sommes essentiellement parlé au téléphone.
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Sa voix râpeuse contrastait avec son apparence suave, mais elle était tout de même très séduisante. Il m’a posé beaucoup de questions sur moi, ce qui m’a flattée. Je lui ai dit que j’étais divorcée depuis peu, et mère de deux enfants, que j’aimais conduire le long du lac dans ma jolie petite décapotable rouge, que j’étais autrice à mon compte et que j’avais plein de projets en cours.
J’en ai peut-être un peu rajouté.
J’avais dit vrai au sujet du divorce, des deux enfants et de la petite décapotable rouge, mais j’avais omis de préciser que je venais de perdre mon vrai boulot et que j’avais du mal à joindre les deux bouts.
Plus que d’un petit ami, j’avais besoin d’un emploi stable.
Je flottais sur un nuage artificiel de pensée positive au lieu d’affronter la douleur causée par l’échec de mon mariage et la perte de mon travail. Mais ce n’est pas ce que je disais à Patrick. Je m’étais lancée de mon propre chef dans la création du mythe de la femme invincible, talentueuse et indépendante. J’essayais de mettre en valeur ce qu’il y avait de bon dans ma vie en changeant mon état d’esprit et en répétant des affirmations positives. J’espérais qu’un nouveau petit ami pourrait aller dans ce sens.
Mes conversations avec Patrick étaient fluides. Plus nous parlions, plus je le trouvais charmant, drôle et un peu mystérieux. Il était américain, mais il avait un léger accent britannique, loin des inflexions du Milwaukee dont il disait être originaire. Il aimait jouer au snooker. Je n’avais aucune idée de ce dont il s’agissait, si ce n’est que c’était un peu comme le billard. Ici, tous les mecs jouent au billard. Je n’allais jamais dans les bars ni les salles de billard, mais ça avait l’air intéressant.
Il m’a raconté qu’il avait une entreprise de marketing pétrolier et que son équipement était bloqué à la douane d’un port à l’étranger. Je n’ai pas fait attention aux méandres de son histoire. J’appréciais simplement l’intérêt qu’il me témoignait.
Je me faisais désirer. Même je n’avais pas eu de rancart depuis des années, je ne comptais pas lui courir après. J’attendais donc généralement qu’il m’appelle ou qu’il m’écrive, ce qu’il faisait souvent. “Salut, beauté”, commençait-il, pour mon plus grand plaisir.
Pourtant, les rares fois où je l’ai contacté, il a mis du temps à me répondre. Il disait toujours qu’il était débordé. Mais quand il m’appelait, il me disait systématiquement qu’il était impatient de me parler. Il ne vivait qu’à une heure de chez moi, mais quand j’ai commencé à lui proposer une rencontre en chair et en os, il m’a répondu qu’il ne pouvait pas. Il s’apprêtait à partir pour un long voyage à l’étranger, pour régler la situation avec la douane.
Si Patrick voulait vraiment me voir, comme il le prétendait, nous aurions au moins pu prendre un café ensemble. Ce n’était quand même pas trop demander! “J’ai hâte de te rencontrer en personne, et pour plus qu’un café, mais ça vient de nous tomber dessus”, me rassurait-il. “J’ai peur que tu ne m’attendes pas. Tu es tellement intelligente et fascinante!”
Je me disais bien que tout cela ne menait nulle part et mon intérêt pour cette histoire d’amour commençait à s’estomper. Tout à coup, la conversation a changé de sujet: il voulait que je l’aide dans son travail pendant son absence, en répondant à ses emails et ses appels. Il a ravivé mon intérêt. Je ne savais pas si on sortirait ensemble, mais j’avais bien besoin de revenus supplémentaires et il acceptait mon tarif horaire élevé. Il m’a dit qu’il me transférerait ses appels et ses emails une fois arrivé à l’aéroport.
Le samedi suivant, il m’a appelé, l’air paniqué et désespéré. Il avait cassé son ordinateur en le faisant tomber à l’aéroport d’Heathrow, et il n’avait pas le temps d’en acheter un nouveau avant sa correspondance.
Vous avez probablement deviné ce que j’ai fait. J’ai accepté de l’aider. Je n’arrive toujours pas à mettre le doigt sur ce qui m’a poussée à lui acheter ce MacBook, à l’apporter à l’agence FedEx pour l’envoyer au Nigeria. J’y ai même joint une petite carte lui souhaitant bon courage.
Est-ce qu’il m’avait dit qu’il allait au Nigeria, d’ailleurs? Peut-être. Je me suis rendu compte que je n’avais pas fait attention aux détails de son voyage.
Puis j’ai reçu un autre appel désespéré. Cette fois, il avait besoin de quelque chose pour attendrir les douaniers qui retenaient son équipement à quai. Un iPhone débloqué devrait faire l’affaire, selon lui.
“Pourquoi ne pas lui offrir une belle bouteille de whisky? Des bons cigares?” Ai-je proposé.
Son ton a changé immédiatement. “C’est n’importe quoi!”
Tout à coup, je n’avais plus l’impression qu’il me trouvait intelligente et mystérieuse.
Et j’ai envoyé le téléphone.
Bon, je sais ce que vous pensez, car je pense la même chose! Mais, honnêtement, j’ai beau rejouer ces conversations dans ma tête ou me demander ce qui m’a pris, je n’arrive pas à comprendre. C’est comme si j’ignorais les signaux d’alerte qui s’agitaient devant moi, comme au bal des escrocs.
Je ne me trouve pas naïve. J’ai vu assez d’émissions où des femmes avouent avoir envoyé les économies de toute une vie à un lointain prétendant, tandis que leur famille demandait, exaspérée: “Mais, bon sang, tu ne vois pas ce qui se passe?”
Mais je n’ai rien vu venir. Jusqu’à ce qu’il cesse de répondre quand je lui ai demandé pour la deuxième fois s’il allait me rembourser comme promis: “Je te ferai un chèque pour tout ce que tu as acheté, et bien plus encore, dès mon retour.”
Je ne me trouve pas naïve. J’ai vu assez d’émissions où des femmes avouent avoir envoyé les économies de toute une vie à un lointain prétendant, tandis que leur famille demandait, exaspérée: “Mais, bon sang, tu ne vois pas ce qui se passe?” Mais je n’ai rien vu venir.
Les jours ont passé. Pas d’appel. Pas de réponse à mes appels ni à mes textos. Je n’en revenais pas.
Le pire, c’est quand j’ai dû aller porter plainte au commissariat. L’humiliation est plus facile à gérer seule. On peut l’ignorer, la rationaliser. Mais mon compte en banque était plus mal en point que mon orgueil, et je voulais récupérer cet Voir la source
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