Sony vient de présenter un chef-d’œuvre de technologie, le Xperia Pro-I. Le fabricant japonais en demande 1 800 euros. Comment justifie-t-il un tel tarif ? C’est la question à laquelle nous tentons d’apporter quelques réponses techniques.
Contre toute attente, Sony vient de dévoiler un nouveau smartphone flagship aux caractéristiques impressionnantes. « Contre toute attente », car on s’attendait plutôt à de mauvaises nouvelles, étant donné que Sony a réduit drastiquement la distribution de ses smartphones ces dernières années. Sony vend peu de smartphones, pourtant le constructeur continue de dévoiler à un rythme relativement élevé de nouveaux modèles. On a testé récemment le Xperia 1 III et son petit frère le Xperia 5 III, qui sera bientôt testé sur Frandroid.
Le Xperia Pro-I vient donc d’être annoncé au tarif de 1800 euros. C’est un prix très élevé, même en comparaison avec les iPhone 13 d’Apple. Mais ce Xperia est différent, il intègre plusieurs composants dérivés directement des caméras de Sony. On pourrait même le décrire comme un appareil photo avec une fonction smartphone. Il arrive aux côtés du Xperia Pro, dévoilé plus tôt cette année.
Enfin, regardons de plus près le matériel très ambitieux de ce smartphone Android.
La caméra principale
Premièrement, il intègre un capteur CMOS Exmor RS de 1 pouce associé à une optique Zeiss équivalent 24 mm avec double ouverture f/2-4 et double stabilisation OIS et PDAF. C’est un des premiers smartphones à intégrer un capteur aussi gros après les Sharp Aquos R6 et Leica Leitz Phone 1.
En fait, ce capteur ressemble beaucoup à celui de l’appareil photo numérique Sony RX100 VII, une référence du milieu, avec un capteur rétroéclairé et empilé. Techniquement, le support des photosites (d’une taille de 2,4 µm par photosite) est monté « à l’envers » et placé sur une mémoire DRAM, elle-même placée sur une couche de silicium. Cette composition permet d’améliorer sensiblement les performances du capteur.
Pour pouvoir faire tenir l’ensemble dans le châssis d’un smartphone, Sony a dû se limiter à un capteur de 12 mégapixels. En d’autres mots : le capteur est tellement gros que l’optique ne couvre qu’une partie de la surface, environ 60 %. Ce qui donne des photos de 12 mégapixels au format 4:3, alors que le capteur est théoriquement de 20 mégapixels.
Notez que la double ouverture permet d’agir sur la profondeur de champ et le flou d’arrière-plan (le fameux bokeh) de manière optique, et, par conséquent, cela limite la portée qu’a habituellement le traitement numérique lorsque l’on utilise ces options sur un smartphone. Cette technologie avait déjà été utilisée sur le Samsung Galaxy S9.
Une autre caractéristique importante de cet appareil photo est son autofocus à détection de phase (PDAF) avec 315 points. Elle permet une mise au point plus rapide et précise, tout en étant combinée à une stabilisation optique (OIS).
L’autre composant de ce smartphone, qui est essentiel pour le capteur 1 pouce, est le processeur d’image Sony BIONZ X. Le PRO-I est le premier Xperia à intégrer cette puce, qui a été conçue à l’origine pour les appareils photo Sony. Le rôle de ce processeur est très important, car il n’intervient pas seulement dans le traitement de l’image qui suit la capture, il est également activement impliqué pour la prise de vue et plus particulièrement la mise au point. De plus, la puce BIONZ X intervient dans la reconnaissance et le suivi des objets que nous photographions.
Concernant le système de mise au point automatique à détection de phase, évoqué plus haut, on retrouve également un capteur iToF 3D. Une caméra ToF utilise la lumière infrarouge (lasers invisibles aux yeux humains) pour déterminer les informations de profondeur, c’est un capteur que l’on trouve déjà sur le Galaxy S20+ par exemple. Ce capteur va accélérer la mise au point, même lorsque les conditions lumineuses sont mauvaises.
D’ailleurs, on retrouve aussi les capteurs ToF dans certains LiDAR comme celui de l’iPad Pro ou de l’iPhone 13 Pro. Un LiDAR qui utilise, lui, une grille de lasers pour mesurer le temps de trajet de la lumière, mais aussi la déformation de sa grille de points pour modéliser les objets. Ce qui sera utile au Sony Xperia Pro-I.
La caméra ultra grand-angle et le zoom optique
Pour la caméra ultra grand-angle, les ingénieurs de Sony se sont tournés vers un capteur Exmor RS Dual-PD 1/2,5 pouces de 12 mégapixels intégrant des photodiodes de 1,4 µm.
Ce capteur fonctionne avec un objectif d’une valeur d’ouverture de f/2,2 et ce tandem nous donne un champ de vision de 124º. C’est une caméra bien plus classique que la caméra principale, mais même ainsi, il faudra néanmoins regarder comment elle gère efficacement la distorsion géométrique.
Associé au téléobjectif, Sony utilise un capteur de 1/2,9 pouce avec une optique équivalente à du 50 mm (f/2,4). Cet appareil nous offre donc un zoom optique 2x et intègre la stabilisation optique. Sur le marché du smartphone, il y a des zooms optiques plus ambitieux, comme le Huawei P50, mais ils peuvent avoir des optiques moins lumineuses.
Vlog Monitor, Photography Pro et Videography Pro
Après vous avoir présenté le matériel dédié à la photographie, voici un accessoire ainsi qu’une application spécialement conçus pour accompagner le Xperia Pro-I.
Le Vlog Monitor, que vous pouvez voir plus bas, est un support pour le smartphone équipé d’un écran LCD de 3,5 pouces ainsi que divers boutons. Ce n’est pas tout puisqu’il y a également une prise jack 3,5 mm pour brancher un micro externe. Vous pouvez l’associer avec la poignée Bluetooth Sony GP-VPT2BT, dévoilée avec le compact expert Sony ZV-1.
Sony met également en avant deux applications dédiées : Photography Pro et Videography Pro. Sony insiste pour positionner ce smartphone comme un expert de la photo, notons que les trois caméras arrière nous livrent des images 12 bits au format RAW. Il peut également filmer en 4K à 120 images par seconde.
Un smartphone haut de gamme
Avec tout ça, nous en oublierions presque les autres caractéristiques. Le Xperia Pro-I embarque une dalle OLED de 6,5 pouces en définition 4K dans un format 21:9, un taux de rafraîchissement maximal de 120 Hz et une protection Gorilla Glass Victus. Il utilise, évidemment, le SoC Qualcomm Snapdragon 888 5G avec 12 Go de mémoire vive et 512 Go (UFS 2.1).
Il y a également un slot de microSDXD (jusqu’à 1 To), une capacité de batterie de 4 500 mAh avec charge rapide 30 Watts ainsi que des haut-parleurs stéréo avec une prise mini-jack.
Hors de prix, hors cible
Qui dit matériel exceptionnel dit prix exceptionnel, le Sony Xperia Pro-I sera vendu 1 800 euros. Comme vous le constatez, Sony tente de justifier ce prix avec un matériel unique et beaucoup de promesses.
Lancer sur le marché un mobile dédié à la photographie, avec un logiciel professionnel, est un pari osé. De notre point de vue, Sony fait l’erreur de rendre la photographie sur smartphone moins accessible. Pour réussir en tant que smartphone, ce que veulent la plupart des gens, c’est cadrer, shooter et prendre la meilleure photo sans rien toucher ni avoir la moindre idée de comment ça marche. En ce sens Apple et Google sont à la pointe de la simplicité.
Nous avons du mal à identifier la cible de Sony. Au final, le Xperia Pro-I ne fait le bonheur de personne. Ni les professionnels qui opteront pour un appareil photo professionnel dédié ni le marché grand public qui veut de la simplicité et n’a pas les connaissances nécessaires pour tirer parti de ce matériel exceptionnel.
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